Vasile GÂRNET
la plaine Borges

on attendait
et on écoutait le silence respirer
quelqu’un regardait en cachette
(sans un regard ubique)
pour comprendre si nous croyons la même chose
dans les yeux du monde on était une équipe
mais ce n’était
qu’une syntagme perverse
avec de l’amère patine
comme une mousse fleurie
sur le bois d’une fenêtre
à l’ombre
en fait
nous marchions dans les jardins cultivés
nous cherchions des nuances
cryophites – comme dirait Galgotiu

quelqu’un (un pléziosaure du temps)
nous regardait avec indulgence
“comme des bouteilles de bon vin
mises dans des frappières – vous êtes”
disait-il
cherchant une comparaison
et il montait devant nous
des bornes étincelantes en bambou
pour qu’on étudie notre charisme
on observait d’autres signes encore
mais nous récitions alternativement
le loi de la pendule
un élan philanthropique
nous en possédait
nous décrivions la naïveté des oiseaux
nous révions un peu fauve
nous transgressions des antinomies
Pia disait par exemple:
“demain c’est le jour du Mineur”
chacun comprenait tant qu’il pouvait comprendre
de ces mots
et on marchait
un vent nous frappait par devant
on trouvait un livre on lisait:
“maintenant il faut que vous vous déplaciez
vers un autre sentiment
pour voir comment vous arrangez les décors”
s’était écrit-là énigmatiquement

 

aucun mot sur la solitude

voilà une bonne recette:
aucun mot sur la solitude
cui prodest ?
méandres
diversions du temps
les sentiments et les drapeaux
on sait bien
ils sont ephémères

allons lier
une pierre au cou
de cet usage terrifiant
comme dans les films aux matelots
pour qu’il ne fait surface

hier je suis parti tôt
voir la Révolution française
on devra sentir
comme un regret dilué
oint de mosc…

quand je revienne
j’apporte le papirus
où on est écrit ce qui nous sommes

 

promenade sur le camuflage

nuit
la mémoire pianotant
le cadavre d’un jour

en ville le tapage est grand
beaucoup de monde
course
les maisons en béton finlandais
réfusent la doïna

dans le parc des révolutionnaires
des chapeaux et des rubans
il y aura des abdications
si tu leur récite une poésie pas angagée
ils te mangent

tu te rappelles Bernanos
tu ne sauves personne
en leur jetant ton dernier livre
c’est préférable
une promenade sur le camuflage

et puis tout seul parmi les langueurs diffuses
tu es presque obligé rester
dans un champ d’ébonite

glissant en dérive
du réel dans l’iréel

le soir tu as donné
une litanie au prêtre

 

intervalle

quelque fois quand je suis saturé
de faire des exercices de solitude
me touche la pensée d’enregistrer
les pulsations de ce quotidien effrangé par le sens
appris par cœur comme une prière
sourde

j’écris par exemple:
la soeur d’Ariel est morte depuis longtemps
et le facteur lui apporte encore des lettres…

quelque fois, affolé
quand mes exigeances et mes élans se sont moulus
et je suis installé dans une dérute égale
je ne veux pas être qu’une fiche
une simple fiche dans un monde
qui condamne la lumière

Traduction: Claudia PINTESCU

 


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